Travail jusqu’à la retraite

La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail a publié, en janvier 2023, une étude concernant les seniors sur le marché du travail en 2021. Cette étude indique que le taux d’emploi des seniors est en progression mais baisse dès 60 ans. Alors que la réforme sur les retraites suscite de vives mobilisations auprès de la population, les auteurs d’une autre enquête des services statistiques du ministère du travail publiée le 9 mars 2023 estiment que “la question de la capacité des salariés à rester au travail se pose”. Cette étude trace les trois grands axes qui conditionnent le sentiment d’insoutenabilité du travail :

  • L’organisation du travail
  • Les conditions de travail
  • La situation des salarié.e.s (état de santé, articulation entre vie privée et travail…)

Paradoxalement, le sentiment d’insoutenabilité du travail décroît avec l’âge. Il est plus présent chez les femmes (41% contre 34% chez les hommes) mais semble fortement lié à la charge familiale, notamment pour celles qui ont eu à élever des enfants (dans le cas de situations monoparentales, le sentiment est identique chez les deux sexes).

Part de salarié.e.s déclarant ne pas être capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite en 2019

La catégorie socio-professionnelle (cadre, profession intermédiaire, employé ou ouvrier) joue peu, même si le sentiment d’insoutenabilité est moins présent chez les cadres. En revanche, les secteurs professionnels sont plus déterminants, avec une plus grande inquiétude pour les métiers de l’accueil du public (caissiers, employés de banque, des assurances et de l’hôtellerie-restauration), de l’action sociale ou pour les ouvriers dans la manutention, le bâtiment ou la mécanique. Les contraintes psychosociales dans le travail (insécurité économique, intensité des tâches, rapports sociaux dégradés…) exercent également une forte influence.

Quand les facteurs se cumulent (contraintes physiques et psychiques), la présence dans l’emploi occupé est plus difficile. Les salarié.e.s ayant connu des interruptions de travail longue (chômage, arrêts maladie, congés parentaux étendus…) sont également plus pessimistes quant à leur capacité à poursuivre leur activité jusqu’à la retraite. Selon l’étude, il est toutefois possible de réduire ce sentiment d’insoutenabilité notamment par :

  • Davantage d’autonomie laissée aux travailleur(-euse)s
  • Un meilleur soutien social de la part de l’employeur(-euse)
  • Une diminution des contraintes horaires et de l’intensité au travail

Mais, les dispositifs de prévention, lorsqu’ils sont juste de l’ordre de l’information, semblent avoir peu d’effet sur le caractère soutenable du travail. D’ailleurs, 30% des salarié.e.s considérant leur emploi comme insoutenable à l’approche de leur départ en retraite (majoritairement pour des raisons de santé) partent avant d’accéder à une retraite à taux plein et perçoivent, par voie de conséquence, des montants de pension inférieurs. En revanche, l’étude permet d’observer que les salarié.e.s ayant changé de de situation professionnelle (pour exercer une activité indépendante, occuper un autre poste au sein de l’entreprise ou aller vers une autre profession) sont moins inquiet.e.s quant à leur capacité à poursuivre.


Le 23 mars 2023, plus de 60 sénateurs de gauche
ont déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel

Le Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) a publié en février 2023 une étude sur l’effet du passage de l’âge légal de départ en retraite à 62 ans en 2010 concernant les absences maladie. Cette étude souligne que ce report à 62 ans a généré une progression des arrêts-maladies en fin de carrière, surtout chez les femmes.

L’allongement de la vie active dans le cadre de la réforme de 2010 prolonge la durée de cotisation à l’assurance retraite. Cependant, cet allongement induit :

  • Une croissance des dépenses liées à l’absence pour maladie après 60 ans. Le surcoût global est estimé à 68 millions d’euros.
  • Un recours amplifié à des dispositifs alternatifs de protection sociale tels que le chômage et l’invalidité avant d’atteindre l’âge d’ouverture des droits (AOD)

Selon l’étude, un nouveau décalage de l’âge légal de départ en retraite doit donc s’accompagner :

  • De mesures prenant en compte l’hétérogénéité des situations au sein de la population active, en particulier la possibilité d’accéder à la retraite plus tôt pour les salarié.e.s fragilisé.e.s par leur état de santé ou leur parcours professionnel. En 2010, des possibilités de départ avant 62 ans ont été ouvertes pour les carrières longues ; et depuis le 1er janvier 2015, le compte professionnel de prévention (C2P) couvre certaines situations de pénibilité au travail. Par conséquent, il faudrait renforcer ces dispositifs en cas de nouveau décalage de l’âge de départ.
  • De dispositions préventives. Elles peuvent consister à améliorer les conditions de travail pour préserver la santé des travailleur(-euse)s, à réserver les postes les moins pénibles aux seniors ou à assouplir leur temps de travail (temps partiel, départ progressif à la retraite).

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